L’ÉTAT DÉPRESSIF EST-IL FAVORISÉ PAR LES FACTEURS SOCIO-CULTURELS ?

Les états dépressifs font partie de notre société, nous pouvons être tous un jour confronté à un épisode dépressif, mais nous ne sommes pas tous égaux face à la dépression, elle est tenace chez certains de quinze à six mois, alors que chez d’autres, elle ne fait que passer et serait comparé plus à de la mélancolie. Quel est le rôle de notre environnement et quels sont les facteurs socioculturels qui la favorise ?

PSYCHE

Céline PISAN

7/8/20239 min read

INTRODUCTION

En tant que psychanalyste multi-référentiel, je vous invite à vous plonger dans une exploration passionnante des facteurs socioculturels qui influencent l'état dépressif. La dépression, telle une ombre qui plane parmi nous, peut toucher chacun d'entre nous de notre vie. Pourtant, effectivement, nous ne sommes pas tous égaux face à son emprise. Certains en font l'expérience pendant de longs mois, voire des années, tandis que d'autres traversent simplement des épisodes passagers de mélancolie. Mais, qu'est-ce qui alimente cette maladie insidieuse et comment notre environnement socioculturel y contribue-t-il ?

La dépression, tel un puzzle complexe, est influencée par de nombreux facteurs interconnectés. Notre société contemporaine, avec son rythme effréné, ses pressions constantes et son hyper-connectivité technologique, crée un terrain fertile pour l'émergence de la dépression. Les attentes sociales, les normes de réussite et la course à la performance peuvent générer un sentiment d'inadéquation et de vulnérabilité.

L'individualisme croissant de notre époque a également un impact sur notre santé mentale. Les relations interpersonnelles superficielles et l'isolement social deviennent monnaie courante, détruisant les liens sociaux qui étaient autrefois un pilier de soutien. Le manque de connexion authentique et de réseau de soutien émotionnel peut engendrer un sentiment d'isolement et de désarroi, exacerbant ainsi la détresse psychologique.

Mais, ce n'est pas tout. Les pressions économiques et les inégalités sociales jouent aussi un rôle significatif dans la prévalence de la dépression. Les difficultés financières, le chômage, l'instabilité professionnelle et les disparités socioéconomiques peuvent créer un terreau fertile pour la souffrance psychologique. Les problèmes liés à l'argent et les inégalités sociales peuvent entraîner un sentiment de désespoir et de découragement.

Enfin, il est crucial d'étudier les facteurs culturels qui influencent notre perception et notre expérience de la dépression. Les normes culturelles, les attitudes envers la santé mentale et les stigmates qui y sont associés peuvent faire obstacle à une prise de conscience et à une recherche d'aide appropriées. Les différences culturelles dans la manière dont la dépression est perçue, diagnostiquée et traitée peuvent avoir un impact considérable sur la façon dont les individus vivent et gèrent leur état dépressif.

En explorant ces différents facteurs socioculturels qui favorisent l'état dépressif, nous nous ouvrons à une compréhension plus profonde de cette maladie complexe. Ce voyage d'exploration nous permettra de mieux comprendre pourquoi, dans cette quête incessante de perfection inaccessible, certains se retrouvent engloutis par un profond mal-être.

TOUT D'ABORD FAISONS UN POINT SUR LA BONNE DÉFINITION DE LA DÉPRESSION AINSI QUE DES FACTEURS SOCIOCULTURELS.

Dépression

Facteurs socioculturels

Facteurs socioculturels :

Un individu participe aux relations sociales et adopte des valeurs, il appartient dès sa naissance à un groupe (famille) et au fils du temps, il va en intégrer d’autres. Cela est dû à plusieurs critères (l’âge, la personnalité, le caractère).

Les individus d’un groupe partagent les mêmes idées et ont donc une culture qui se compose (de son mode de vie, de sa langue, sa tenue vestimentaire, ses habitudes culinaires et ses loisirs), ses normes s’appliquent sur la morale comme la religion, la liberté et sur l’estime de soi, et décide des règles qui servent à déterminer les conduites et les jugements.

Les comportements de l’individu sont guidés par un ensemble de valeurs socioculturel lui donnant des repères.

Définition générale :

La dépression est une maladie psychosomatique due à un dérèglement d’humeur dont la caractéristique ne permet plus les alternances entre la joie et la tristesse, ont la nome « psychosomatique », car elle associe des problèmes psychiques (relatif à l’esprit) et somatique (relatif au corps).

Dans le Mini-DM5 :

« Il faut au moins cumuler cinq des symptômes suivants durant au moins deux semaines sur les journées et que cela soit un changement du sujet par rapport à son fonctionnement antérieur.

1- Humeur dépressive (sentiment de tristesse, vide, sans espoir) signalé par le sujet ou son entourage.

2- Aucun intérêt ou plaisir pour tous les sujets ou les activités.

3- Perte ou gain de poids significatif en l’absence d’un régime.

4- Insomnie ou hypersomnie.

5- Agitation ou ralentissement psychomoteur.

6- Grosse fatigue ou perte d’énergie.

7-Sentiment de dévalorisation ou culpabilité excessive ou inappropriée.

8- Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision.

9- Pensée de mort, idées suicidaires.

Tous ces symptômes induisent une détresse cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. »

D’OÙ VIENT L’ÉTAT DÉPRESSIF

Nous ne sommes pas tous égaux face à la dépression, l’État dépressif vient du fait que pour le dépressif une désorganisation psychique ne permet plus de compromis entre le désir et la règle sociale, le symptôme est ce compromis et qui est le système de défense face à l’angoisse ne fait plus son travail.

Il ne permet plus le fantasme, la projection du sujet, l’identification et la capacité à s’identifier a disparu. Le sujet est coincé dans l’Idéal du Moi, l’image de Soi est tellement abîmée, qu’il a perdu finalement tout espoir de se reconnaitre chez l’autre. Il n’entrevoit même plus la reconnaissance de l’autre.

La dépression est une décompensation d’une névrose est, elle, l’organisation qui autorise au sujet de tenir, face aux aléas de la vie. La dépression est quelque part un moyen d’éviter le pire. En effet, la dépression par le repli sur soi permet de se rassembler, et donc de se protéger du vécu de la désintégration.

QU'ELLE EST L'ORIGINE DE L'ÉTAT DÉPRESSIF

Au départ il y a un trauma, qui est un trop-pleins d’affect qui ne trouve pas de représentation, il est toujours l’élément déclencheur. Cependant, chacun à sa façon se fabrique le trauma, qui va lui-même être travaillé en fantasme de toute puissance.

« Pour l’hystérique :

En fantasme d’être avalé d'être pour l’autre l’objet du désir idéal.

Pour le phobique :

Le fantasme est avalé sa proie pour qu’elle ne l’abandonne jamais.

Pour l’obsessionnel :

C’est avoir le pouvoir pour l’humilier, détruire en étant le plus admirable et que les autres soit conscients de sa valeur. »

Il en existe plusieurs, mais ce sont celles que l’on retrouve le plus souvent.

Nous avons tous en nous un peu des trois avec bien évidemment une structure dominante, cela dépend de notre histoire.

La dépression est native d’illusions d’être soit le plus aimé, soit le plus reconnu, soit le plus auto-suffisant qui sont tout à coup détruites, le sujet perd brutalement ce fantasme et se retrouve face à son trauma d’enfant.

– Au crédit d’un abandon (phobique).

– Au crédit d’une agression (obsessionnel).

– Au crédit de la perte d’un amour (hystérique).

C’est le passage d’un rêve de toute puissance, à un rêve infantile.

Plus le sujet est investi dans son rêve, plus il prend le risque de la dépression.

AU NIVEAU BIOLOGIQUE

L’hérédité est un des facteurs importants dans la dépression, il semblerait d’après des études que plusieurs gènes participeraient à rendre le sujet prédisposé, et ce serait l’environnement social qui définirait s’il en découle une dépression.

Les raisons :

La dépression serait liée au manque des neurotransmetteurs Monoamine (Noradrénaline et Sérotonine), qui sont détruits par la MAO (Mono-Amine-Oxydase).

Tout cela entraine une diminution des récepteurs au cortisol dans l'hippocampe est lié à l’expression des gènes, aux Monoamines et aux expériences de stress précoce dans l’enfance.

En bref :

Si activation de l’hippocampe (causé par un stress), il y a augmentation du Cortisol (puisque plus de récepteurs) qui grille encore plus l’hippocampe et qui augmente encore plus le Cortisol… C'est un cercle vicieux

QU'EN EST-ON DES FACTEURS SOCIOCULTURELS QUI FAVORISENT L’ÉTAT DÉPRESSIF ?

Dans une société qui est de plus en plus individualiste, où la performance dans le monde du travail, la beauté et la richesse sont devenus des jugements de valeur, avec un sentiment d’exclusion, d’insécurité et de violence qui fait partie du quotidien et où la projection dans l'avenir devient difficile (personne ne sait de quoi sera fait demain), plusieurs facteurs socioculturel en sont la cause et favorisent l’état dépressif.

Quels sont-ils et pourquoi :

Les besoins, les normes, les prescriptions de comportement et même les désirs sont imposés par notre société, et deviennent pour les plus fragiles des horizons qu’ils n’atteindront jamais.

Plusieurs raisons qui se cumulent parfois en sont responsables,

– Le chômage et la précarisation de l’emploi est véritablement un problème de nos jours. En effet, même ceux qui travaillent et qui ont un rythme professionnel soutenu, peuvent être victime de harcèlement moral « et », « ou » avoir la crainte de perdre leur emploi, cela devient pour l’individu un stress constant.

– L’isolement social et une exclusion de la vie professionnelle l'entraine très souvent dans la pauvreté et la précarité.

– Les situations socio-familiales avec des ruptures à répétitions entrainent les familles à devoir faire un deuil de la famille parfaite.

– Les traumas qui surviennent après une agression sont des évènements qui menacent l’intégrité du sujet, qu’elles soient réelles ou psychologiques (de grandes ou de petites intensités) la personne vit alors un fort sentiment d’insécurité.

Tout cela amène de plus en plus les personnes à vivre un tiraillement interne, l’identification et la capacité à s’identifier disparait, le sujet est bloqué dans le Moi Idéal où l’image de soi est tellement dégradée qu’il ne peut plus envisager la reconnaissance par « l’autre ».

-L’obsessionnel aura l’impression de ne plus être assez puissant et de n’avoir plus aucune valeur, il est un être faible.

-Le phobique supposera d’être abandonné, que tout le monde se moque de lui, il se sent seul au monde.

-L’hystérique pensera ne plus être aimé et surtout de ne pas être assez intéressant pour être désiré.

Leurs fantasmes de toute puissance sont détruits, ils perdent brutalement leurs projections et avec elles tous espoirs.

Si en plus le sujet a vécu dans son enfance des abus et des stress, il est de ce fait « au niveau de ses bases biologiques » plus enclin à se laisser happer par la dépression.

De nos jours, tous ces facteurs socioculturels se cumulent entre eux et fonts que notre société est plus susceptible à développer chez les plus fragiles une dépression, et ils sont de plus en plus nombreux à en subir les conséquences.

CONCLUSION

En conclusion, nous avons parcouru rapidement un cheminement captivant à travers les facteurs socioculturels qui influencent l'état dépressif. Nous avons exploré les multiples facettes de notre société contemporaine, tissant un lien entre les pressions sociales, les attentes écrasantes et la dépression. De même, nous avons examiné comment l'individualisme croissant, l'isolement social et les inégalités économiques peuvent détruire notre bien-être mental.

Il est essentiel de comprendre que la dépression n'est pas simplement une affaire individuelle, mais qu'elle est profondément enracinée dans notre environnement socioculturel. Les normes culturelles, les attitudes envers la santé mentale et les barrières sociales peuvent jouer un rôle déterminant dans la façon dont la dépression est perçue et abordée.

Cependant, il est important de souligner que chaque individu est unique, et que la dépression peut prendre des formes variées en fonction de ses expériences personnelles, de son bagage génétique et de sa sensibilité individuelle. Les facteurs socioculturels ne sont qu'une partie de l'équation complexe qui explique l'émergence de l'état dépressif.

En élargissant notre compréhension de ces facteurs socioculturels, nous pouvons non seulement œuvrer à créer une société plus empathique et compréhensive, mais également développer des approches de prévention et de traitement plus adaptées. Nous devons promouvoir des environnements sociaux favorables, de soutenir les relations interpersonnelles authentiques et de remettre en question les normes oppressantes qui peuvent nourrir le cycle de la dépression.

En définitive, en explorant les facteurs socioculturels qui favorisent l'état dépressif, nous aspirons à sensibiliser, à éduquer et à encourager des changements positifs. L'étude approfondie de ces influences nous permettrait de mieux comprendre la complexité de la dépression et de faire avancer les recherches, les politiques et les pratiques visant à soutenir ceux qui en souffrent.

Ensemble, en adoptant une approche holistique, sans jugement pour celui qui est touché, nous pouvons façonner un monde dans lequel la santé mentale est une priorité, où l'empathie et le soutien sont au cœur de notre tissu social, et où voir un professionnel ne soit plus (comme cela peut l'être encore de nos jours) mal vu par la société, de même que par notre être profond par peur du jugement finalement, nous formons tous cette société en changeant notre vision, on en transformera sa vision.